L’agir en condition hyperconnectée

Je partage donc j’agis ? La massification des images de la crise de l’accueil des réfugié.e.s syrien.ne.s

Je partage donc j’agis ? La massification des images de la crise de l’accueil des réfugié.e.s syrien.ne.s

Fanny Gravel-Patry

Fanny Gravel-Patry, « Je partage donc j’agis ? La massification des images de la crise de l’accueil des réfugié.e.s syrien.ne.s », L’agir en condition hyperconnectée : art et images à l’œuvre (édition augmentée), Presses de l’Université de Montréal, Montréal, isbn:978-2-7606-4297-3, https://www.parcoursnumeriques-pum.ca/11-agir/chapitre7.html.
version 01, 22/09/2020
Creative Commons Attribution-ShareAlike 4.0 International (CC BY-SA 4.0)

Les actions d’ampleur en condition hyperconnectée sont parfois marquées par des soulèvements politiques organisés et représentés différemment depuis la multiplication des points de connexion. L’arrivée sur nos écrans d’images comme celle de la mort d’Aylan Kurdi « éveille » l’Occident face aux horreurs de la guerre civile en Syrie. Dégoût, incompréhension, tristesse et incapacité poussent des milliers de personnes à partager cette image sur les réseaux sociaux. En employant des théories féministes, queers et antiracistes de l’affect, ce texte interroge le potentiel politique du partage de ce type d’images en ligne en examinant les émotions qui en émanent. Cette étude de cas s’attarde sur la manière dont les émotions imprègnent les corps et les images en régime numérique afin de penser l’affectivité de l’image comme pouvant aussi être l’actrice de la reproduction des inégalités sociales que vivent encore les populations syriennes d’ici et d’ailleurs.

Nous, les critiques, voulons probablement que les images soient plus fortes qu’elles ne le sont réellement afin de nous donner le pouvoir de nous y opposer, de les exposer ou de les célébrer.
W.J.T. Mitchell (ma traduction), What Do Pictures Want ? The Lives and Loves of Images (2005).

De la carte postale aux reportages journalistiques, du portrait à l’égoportrait, l’image photographique sert à immortaliser ce qui n’est déjà plus, à informer le présent et à imaginer les possibilités du lendemain. Plusieurs théoricien.ne.s de la culture visuelle ont d’ailleurs témoigné des capacités opérationnelles de la photographie (Eder et Klonk 2016). Elle précède un événement et y succède à la fois, et la caméra est l’actrice principale dans le développement d’une histoire. La photographie ne sert donc pas uniquement à représenter un événement, mais à en définir les paramètres. L’image est agissante et elle fait agir. Avec l’avènement du web 2.0 et des technologies mobiles au tournant de ce siècle, l’idée d’une image agissante est d’autant plus pertinente puisque la photographie fait maintenant partie intégrante du web. Ma recherche s’inscrit dans un courant de pensée qui, sans se réduire à un déterminisme technologique, suggère que les réseaux sociaux facilitent un sentiment d’engagementDans un texte publié suite à la rédaction de cet article, Bishnupriya Ghosh (2020) aborde spécifiquement les capacités opérationnelles des images de la crise des réfugiés qui ont abondamment circulées sur Twitter. Ghosh avance que cette circulation indique un mode de participation à la vie politique important qu’elle définit comme performative-affective. Pour l’auteure, Il s’agit d’un élément central de la vie politique qui s’articule autour du sensible et du ressenti qu’habitent ces communautés d’action et qui alimente la viralité des images. Bien que cette réflexion n’ait pu être considérée dans mon article, il demeure important d’en souligner l’apport afin de poursuivre notre réflexion sur l’agir connecté, les images et leur affectivité.

(Papacharissi 2014 ; Dijck 2013 ; Karatzogianni et Kuntsman 2012). Les utilisateur.rice.s sont encouragé.e.s à partager des clichés de leur quotidien, à commenter et à repartager les publications de leurs ami.e.s. Non seulement les images consommées en ligne font agir, elles sont aussi essentielles à l’activité des utilisateur.rice.s. Selon Zizi Papacharissi (2014), une grande partie de l’activité des utilisateur.rice.s se produit au moyen d’affects liés à des sentiments politiques : c’est en se regroupant autour de sentiments partagés que se créent des communautés d’action en ligne. La fameuse photographie du jeune Aylan Kurdi illustre bien ce phénomènePour ces raisons, mais également à cause des réactions émotives que ces images peuvent déclencher, j’ai choisi de ne pas les reproduire dans cet article sauf pour une capture d’écran. Il est donc du choix du ou de la lecteur.rice de consulter ces images en cliquant ou non sur l’hyperlien suggéré ci-après.
Voir et en apprendre plus sur la photographie d’Aylan Kurdi prise par Nilüfer Demir en 2015.

. En septembre 2015, la guerre en Syrie et la crise de l’accueil des réfugié.e.s qui en résulte sont devenues réellement visibles par la mise en circulationLire à ce sujet « Aylan Kurdi: How a single image transformed the debate on immigration » (Postles 2015).

de la photographie du jeune Aylan retrouvé mort sur une plage turque alors que ses parents tentaient, comme des milliers de Syrien.ne.s, de fuir la guerre. Bien que plusieurs Syrien.ne.s aient déjà pris d’assaut les réseaux sociaux pour dénoncer leur situation, c’est avec la photographie d’Aylan qu’il semble y avoir pour une première fois un consensus : il faut agir pour mettre fin à ce conflit.

Tout au long de ce chapitre, mon objectif sera d’interroger l’affect qui permet l’accumulation, en ligne, de ce type d’images au nom d’un agir politique collectif. Afin de comprendre cet agir, je m’attarderai à l’affect non pas comme ce qui peut faire agir une communauté dans le monde hors ligne, mais pour analyser l’attachement qui se produit autour d’une image en particulier ; pourquoi certaines images produisent des émotions et d’autres moins. Plutôt que de me pencher sur la solidarité qui s’est formée autour des images des réfugié.e.s partagées sur le web, un sujet déjà traité en profondeur (Chouliaraki 2017 ; Prøitz 2018), je propose de m’intéresser à la manière dont les émotions imprègnent les corps et les images afin de penser l’image comme affective, et donc active, en considérant les répercussions de nos actions en ligne sur le hors ligne. En mobilisant les écrits de Sara Ahmed sur les émotions et les économies affectives, je tracerai la massification de la photographie d’Aylan en prenant en compte la question émotive comme élément déterminant de la visibilité du conflit en ligne. Mon approche est ancrée dans une perspective féministe, queer et antiraciste de l’affect (Ahmed 2014 ; Berlant 2010 ; Cvetkovich 2003). Je considère l’affect, les émotions et les sentiments (termes que j’emploie de façon interchangeable) comme des moteurs principaux du social qui travaillent la formation des corps, des subjectivités et des collectifs. Ainsi, la mobilisation de ces théories me permettra de retracer le parcours des images et de tenter de rendre visibles les liens qui se déploient en ligne entre usager.ère.s, images et émotions. Suivant la pensée d’Adi Kuntsman (2012, 2), ce chapitre s’inscrit dans un besoin d’examiner l’intersection de l’émotif, du technologique et du politique afin d’énoncer la manière dont les « structures de sentiments » (Williams 1978) numériques opèrent en parallèle ou conjointement avec le politique.

L’agir et le partage : de l’importance que ça stick

L’agir en condition hyperconnectée se situe au croisement de plusieurs réflexions sur l’agentivité et le pouvoir de l’usager.ère à l’ère du web 2.0. Afin de saisir la pertinence de cette étude, un bref retour sur ces théories s’impose. Une première vague d’écrits se consacre à définir et à promouvoir ce pouvoir à un moment de remaniement de l’industrie médiatique et de changements importants dans la relation entre producteur.rice et consommateur.rice. Selon Henry Jenkins, Xiaochang Li, Ana Domb Krauskopf et Joshua Green (2009), l’industrie a d’abord fortement utilisé le terme « virus » pour définir la manière dont circule l’information en ligne. Puisqu’il implique la contamination d’un corps par un autre, ce terme permettait alors de maintenir une division entre ceux qui distribuent l’information et ceux qui la reçoivent, à un moment où cette frontière est de plus en plus brouillée. La question de la viralité implique encore une source mère puissante, mais surtout, Jenkins, Li, Krauskopf et Green soutiennent qu’il s’agit d’une façon pour l’industrie de parler de la nouvelle écologie en utilisant des termes scientifiques à un moment où il est encore difficile pour eux de saisir pleinement le phénomène en cours. En réponse à cela, ils et elles proposent plutôt l’utilisation du terme spreadable puisqu’il permet de penser le rôle actif de l’utilisateur.rice dans la circulation de l’information, contrairement au terme « virus » qui implique une certaine passivité des hôtes. Pour les théoricien.ne.s des nouveaux médias, « le concept de spreadability sert à décrire comment les propriétés de l’environnement médiatique, soit les textes, les publics et les modèles économiques, travaillent ensemble pour permettre une circulation facile et étendue de contenu réciproquement significatif à l’intérieur d’une culture de réseau » (ma traduction, 2009, s.p.).

Ce terme s’inscrit également en réponse au terme stickiness que le milieu du marketing utilisait jusqu’ici pour décrire la manière dont un site web s’empare de l’attention des utilisateur.rice.s de façon que ceux-ci et celles-ci reviennent toujours pour consommer davantage de produits, terme à ne pas confondre avec la notion de stickiness d’Ahmed sur laquelle je reviens plus loin. Pour la culture visuelle, cela signifierait qu’internet a changé l’économie même des images (Gunthert 2013). On passerait d’une économie de la « distribution contrôlée » à « l’autogestion de l’abondance », ce qui modifierait en profondeur notre rapport aux images. À ce sujet, André Gunthert soutient que cette nouvelle culture du partage permet justement d’ouvrir les dialogues en simplifiant l’accès aux images. Ainsi, cela suggère que les utilisateur.rice.s des réseaux sociaux auraient le potentiel de donner une nouvelle valeur aux images. Les clichés ne sont plus jugés par l’industrie médiatique traditionnelle, mais par les usager.ère.s eux-mêmes. Les citoyen.ne.s sont invités à publier et à partager des images afin de fournir leur propre compréhension des événements.

Cela dit, alors que plusieurs mettent l’accent sur le pouvoir conféré à l’utilisateur.rice, d’autres théoricien.ne.s nous mettent plutôt en garde contre le contrôle de l’information qui s’effectue au nom du partage. La surveillance et les algorithmes sont invisibles, mais pas sans conséquences sur notre expérience du monde en ligne et hors ligne. Les plateformes web ne font pas que faciliter les interactions sociales, elles agissent comme médiatrices et peuvent aller jusqu’à modeler les actions sociales (Dijck 2013 ; Gillespie 2018). José van Dijck (2013) constate que l’utilisation du terme « partager » par la plateforme Facebook, par exemple, illustre bien ce paradoxe. Au-delà du simple fait que la plateforme Facebook encourage le partage d’information entre les utilisateur.rice.s, l’autrice constate que le partage est devenu une réelle norme sociale et économique qui redéfinit les valeurs culturelles et sociales. En effet, pour Facebook, la notion de partage est vitale à deux niveaux : d’abord pour attirer les utilisateur.rice.s qui souhaitent partager facilement de l’information entre eux. Puis, pour partager les données générées par les utilisateur.rice.s avec un tiers parti afin de générer du revenu. Cette connectivité, Van Dijck insiste, est ce qui permet de produire du capital et le partage en est la transaction principale. Plus les utilisateur.rice.s partagent, plus la plateforme prend de la valeur. Tout en considérant ce paradoxe, Van Dijck se demande quel est le poids des utilisateur.rice.s dans la formation des normes sociales en ligne. Ainsi, sans s’y limiter, il est important de garder en tête cette double dynamique du partage et de comprendre la circulation d’images comme faisant partie de ce système.

D’autres auteur.rice.s ont constaté que les études qui se concentrent uniquement sur les données alimentent l’idée que les médias sociaux sont des machines automatisées qui fournissent uniquement de l’information aux utilisateur.rice.s par le truchement de processus calculés. Dans un article sur le partage de nouvelles sur Facebook, Stefanie Duguay (2018) nous rappelle que l’automatisation relève davantage de l’idéologie que d’un processus mathématique. Il s’agit en fait d’une apparence pour cacher le réel processus de sélection de l’information qui découle en fait d’une équipe d’employés de Facebook. Un discours similaire se retrouve dans les études de la culture visuelle, notamment en ce qui concerne la photographie. Tout comme l’information, la photographie est aujourd’hui partout et nulle part à la fois. Toutefois, plus il est facile de se connecter aux réseaux, moins il est évident de saisir ce qu’est la photographie. Selon Rubinstein et Sluis, « lorsque se rencontrent logiciel et image, non seulement il en résulte une image différente, procédurale, mais il s’effectue également un changement de paradigme qui a une incidence sur la manière de penser la relation ontologique entre représentation, mémoire, temps et identité » (ma traduction, 2013, 25). C’est ce qu’elle et lui appellent le « tournant algorithmique » de la photographie et, selon elle et lui, ce changement perturbe le paradigme de la représentation qui associe la visualité à la rationalité et à la création du sujet moderne. Elle et lui soutiennent qu’« à l’ère du capitalisme tardif, c’est l’image qui remet en question l’expérience de l’homme moderne en tant qu’être vivant » (ma traduction, 2013, 23). Cette image, elle et lui ajoutent, n’est plus une trace de lumière mais de calculs, et son caractère indiciel a peu à voir avec l’objet qu’elle représente et plus avec le code auquel elle est associée :

Le paradigme familier est encore une fois renversé : ce n’est pas le sujet qui maîtrise la technologie, mais la technologie qui produit les formes culturelles et linguistiques qui construisent la subjectivité. Les technologies responsables de mettre toutes ces images sur les écrans d’ordinateurs et de téléphones ne sont pas des processus industriels accidentels ; au contraire, elles font partie du cadre technologique qui gouverne, mesure, oriente et contrôle le comportement humain (ma traduction, 2013, 33).

Selon Rubinstein et Sluis, la photographie semble fonctionner selon le même type de processus automatisés, car elle est générée par des codes. Toutefois, bien qu’elle interroge la relation du ou de la spectateur.rice avec la photographie en condition hyperconnectée, cette définition reste limitée. En effet, cette pensée démontre une tendance à voir la photographie comme uniquement générée et distribuée au moyen de codes et de machines alors qu’elle doit être comprise comme faisant partie d’un réseau complexe qui englobe à la fois humains et machines (Lister 2013). Afin de répondre à ce manque de considération de l’humain dans les récentes études de la culture visuelle numérique, je propose d’utiliser l’affect comme moyen de tracer la circulation du contenu en ligne et ses répercussions sur le monde matériel.

L’affect et le retour du sticky

L’affect, tel qu’il est le plus souvent décrit, est le pouvoir d’affecter et d’être affecté ; ou, encore, il s’agit du monde de rencontres dans lequel fait (ou ne fait pas) partie le corps (Gregg et Seigworth 2010, 2). L’affect se prête donc particulièrement bien à notre problématique puisqu’il suggère un retour au corps et à une manière ontologique de comprendre notre place dans le monde. Rappelons ici que les théories de l’affect prennent forme au courant des années 1990 afin d’offrir des façons différentes de penser notre rapport au monde, en réaction à l’omniprésence de l’approche poststructuraliste qui préconise le pouvoir et les structures sociales. Ce virage vers le corps, comme non soumis au social, fournit des pistes de réflexion pour penser l’espoir et l’agentivité affective en opposition au déterminisme social. Pour Eve Kosofsky Sedgwick (2003) (une des figures fondatrices, avec Brian Massumi, du champ théorique de l’affect), l’affect est un moyen de transformer et de dépasser la sujétion sociale en proposant d’autres façons de penser le rapport entre les corps. Avant même l’existence d’une condition hyperconnectée, l’affect suggère une sorte de connexion omniprésente entre les êtres vivants, les objets et les idées. Une toile invisible, comme celle du réseau qui nous connecte à internet, dont les implications matérielles sont pourtant bien palpables. Toutefois, plusieurs auteur.rice.s comme Clare Hemmings, mais aussi Sara Ahmed, nous mettent en garde contre la célébration de l’affect comme sauveur des études de la culture :

Alors que l’affect peut être un angle critique intéressant et valide dans certains contextes, il est souvent utilisé comme outil rhétorique dont le but ultime est de mener les « théoricien.ne.s » paranoïaques vers un champ de réflexion plus productif (ma traduction, Hemmings 2006, 551).

Hemmings rappelle que les questions épistémologiques et ontologiques ne sont pas nécessairement opposées, et qu’un champ important de littérature, tel que les théories féministes, considère à la fois savoir et émotions. À cet effet, Ahmed accuse les théories de l’affect – desquelles elle souhaite d’ailleurs se dissocier – d’ignorer les théories féministes, queers et postcoloniales qui ont toujours considéré les émotions, et ce avant même le tournant vers l’affect. Nous ne pouvons que rappeler ici que les femmes, la communauté LGBTQ+ et les personnes racisées, en plus d’être souvent associées à l’irrationnel et à l’émotif, savent très bien que leur corps ne leur appartient pas toujours et qu’il ne peut être dissocié de la question sociale. Pour Ahmed, les émotions impliquent des processus corporels autant qu’elles comprennent les contacts discursifs entre les corps et les objets. Puisque je souhaite prendre en compte la relation entre corps, images et politique, je considère essentiel d’inscrire ma pensée dans cette vision de l’affect qui comprend le savoir et les émotions comme liés et non opposés.

Comment expliquer, donc, que certaines images semblent être plus affectives que d’autres ? Selon Sara Ahmed, l’émotion est une pratique sociale et culturelle qui ne peut être réduite à un état psychologique. L’émotion imprègne les surfaces et les délimite, afin de guider notre compréhension du monde qui nous entoure. C’est ce qu’elle nomme plus précisément les économies affectives, c’est à dire que :

les émotions fonctionnent comme une forme de capital : l’affect ne réside pas positivement dans un symbole ou une commodité, mais il est le produit de sa circulation (ma traduction, Ahmed 2014, 45).

Selon Ahmed, le pouvoir d’une émotion ne se situe pas dans le texte, ou ici l’image, mais il prend forme par sa répétition et son accumulation :

Les émotions façonnent la surface même des corps qui prennent forme par la répétition d’actions à travers le temps, ainsi que leur orientation, proche ou éloignée, vers les autres (ma traduction, Ahmed 2014, 4).

Ainsi, pour Ahmed, le travail des émotions implique l’association de signes (en anglais the sticking of signs) à des corps. Chez l’autrice, le sticky est intrinsèquement lié à la question de l’abject. Elle nous rappelle que le sticky fait peur puisqu’on ne veut pas que ce qui colle se colle à nous. De même, le stickiness est un effet de l’histoire du contact entre les corps, les objets et les signes :

Stickiness dépend des histoires de contact qui se sont déjà imprégnées sur la surface de l’objet (ma traduction, Ahmed 2014, 90).

L’anxiété que peut provoquer le web s’apparente également à cette peur de l’étranger qui, au moyen des réseaux qui nous connectent et nous traversent, se colle et fait aussi partie de nous. La notion ne peut donc être dissociée de la question raciale. Rappelons ici brièvement que la photographie, tout comme la race, fonctionne par un processus d’impression visuelle sur un corps qui témoigne d’une histoire. La photographie a d’ailleurs joué un rôle déterminant dans la construction de la race comme fait visuellement identifiable (c’est-à-dire la couleur de la peau) et comme système visuel de pouvoir (Fusco et Wallis 2003 ; Gonzalez 2003). Un retour à Ahmed permet donc de poser les limites de l’existence d’un espace web où l’on peut se libérer de notre corporalité et où la visibilité de la race n’existe plus. Ainsi, ces concepts nous amènent à penser la circulation des images par l’émotion et l’affect, de même que l’influence de ces émotions sur les corps impliqués.

Capture d’écran d’un tweet de @Katz publié le 3 septembre 2015 alors que la mort d’Aylan Kurdi fait la une de la presse à travers le monde.
Il s’agit ici d’un montage de différents journaux britanniques réalisé par Andrew Katz sur Twitter. Capture d’écran prise par Fanny Gravel-Patry le 28 octobre 2017.

Une crise humanitaire hyperconnectée

Le conflit syrien, qui est encore d’actualité au moment où j’écris ce texte, a commencé en 2011 par une révolution pacifiste de la population contre le régime totalitaire de Bachar al-Assad, à une époque où la population de plusieurs pays du monde arabe se soulevait contre la dictatureVoir à ce sujet l’article de BBC News : « Syria: Mapping the insurgency » (2012).

. La situation a vite dégénéré alors que plusieurs groupes se sont formés pour s’opposer au gouvernement et à ses alliés. D’autres pays de la région et de l’international se sont également joints à cette bataille, dont le Canada, les États-Unis et la France qui se sont alliés à plusieurs groupes de rebelles. Pris entre ces différentes factions, les Syrien.ne.s ont commencé à fuir le pays et plusieurs se sont retrouvé.e.s dans des camps de réfugié.e.s dans les pays adjacents (Turquie et Liban) ; les plus aisé.e.s ont réussi à immigrer vers des lieux plus sécuritaires, alors que d’autres comme la famille Kurdi ont tenté la traversée de la mer Méditerranée en espérant rejoindre les côtes de l’Europe. Un élément ressort ici : malgré une présence internationale en Syrie et un conflit qui rend leur vie là-bas impossible, les Syrien.ne.s ont été livré.e.s à eux-mêmes et elles-mêmes. Alors que le Canada se vante d’être un pays d’accueil, il n’a pourtant reçu qu’un petit nombre de Syrien.ne.s. En France et aux États-Unis, les politiques sur l’immigration n’ont fait que se resserrer depuis le début du conflit, surtout en réaction à la vague de migration. La photographie de la mort d’Aylan vient donc témoigner de toutes ces dynamiques. D’une part des citoyen.ne.s désespéré.e.s en quête d’une vie meilleure, et d’une autre l’inaction de la communauté internationale lorsqu’il s’agit d’aider des vies humaines.

Aylan Kurdi et l’esthétique humanitaire

On comprend que la photographie d’Aylan est rapidement devenue l’icône de cette crise d’abord et avant tout à cause de l’horreur qu’elle représente. Selon Sharon Sliwinski (2011), ce qu’on appelle aujourd’hui « les droits de l’homme » est directement lié à une expérience esthétique puisque le discours entourant ces droits aurait fait apparition simultanément aux premières diffusions de photographies d’atrocités survenues dans des pays en guerre. Ainsi, Sliwinski avance que certaines rencontres esthétiques guident le ou la spectateur.rice vers une pensée et une action morale (2011, 23). La photographie d’Aylan aurait d’abord été publiée dans la presse turque et elle aurait par la suite fait le tour des réseaux sociaux, principalement sur Twitter et Facebook. Bien qu’il s’agisse d’une image prise par un photographe professionnel et non par des « journalistes citoyens » qui effectuent leurs reportages uniquement au moyen des technologies mobiles, c’est par sa circulation massive sur les réseaux sociaux qu’elle a créé beaucoup de remous. Des milliers d’utilisateur.rice.s ont partagé la photographie du jeune garçon dans l’espoir de faire bouger les choses. Le Visual Social Media Lab, un consortium universitaire britannique qui étudie la circulation des images en ligne, a d’ailleurs constaté plusieurs retombées positives de cette massification de l’image d’Aylan, dont un changement de vocabulaire autour du débat sur l’accueil des réfugié.e.sVoir le projet The iconic image on social media mené par Farida Vis, Simon Faulkner, Francesco D’Orazio et Lin Prøitz.

. On ne parlerait plus du groupe uniforme des migrant.e.s, mais plutôt de réfugié.e.s dont les origines sont diverses. Au Canada, le premier ministre Justin Trudeau a tout de suite réagi en accélérant le processus d’accueil des réfugié.e.s syrien.ne.s et en augmentant le nombre de places.

On ne peut aborder la question de l’agir et de la photographie en condition hyperconnectée, spécialement dans un contexte entourant les droits de la personne, sans faire un court rappel du débat entourant le ou la spectateur.rice. Dans son ouvrage Human Rights in Camera, Sharon Swilinski (2011) nous rappelle que pour Emmanuel Kant, la notion des droits de la personne ne proviendrait pas des acteur.rice.s politiques, mais plutôt d’une réaction émotionnelle des spectateur.rice.s qui se situent à l’extérieur de la scène. Selon le philosophe, le jugement humain émanerait de cette distance entre le ou la spectateur.rice et la scène dont il ou elle est témoin, car celui-ci ou celle-ci est émotionnellement impliqué tout en ayant un certain recul. Suivant cette idée, Sliwinski ajoute :

Les observateur.rices.s distant.e.s deviennent les messager.ère.s de l’idéal des « droits de l’homme » puisqu’ils et elles sont les seul.e.s en position de réclamer ce qui appartient à la compréhension humaine commune (ma traduction, 2011, 23).

Toujours selon Kant, cette faculté de juger et, par le fait même, de différencier les actes moraux de ceux qui sont immoraux, est ce qui permet de créer une communauté « humaine » et de ramener à la communauté humaine ceux qui ont perdu leur humanité. C’est aussi ce qui fait de l’humain un être moral et digne de droits. Ironiquement, les personnes qui sont au centre du spectacle, elles, peuvent moins facilement profiter de ce statut. Plus récemment, le débat entourant la position du ou de la spectateur.rice s’est davantage tourné vers sa passivité et son voyeurisme. Contrairement au spectateur de Kant, celui du début du XXe siècle serait de moins en moins actif dans le monde politique. Comme l’affirme Guy Debord (1967, 30) : « plus il contemple, moins il vit ». Puisque passif.ve devant le pouvoir des images qui défilent, le ou la spectateur.rice ne participerait pas à la vie politique.

Le contrat civil de la photographie

En réponse aux débats sur le ou la spectateur.rice, Ariella Azoulay (2008) propose à son tour que nous devrions cesser de consommer passivement les images et les regarder de façon plus active, ce qu’elle nomme « le contrat civil de la photographie ». La présence visuelle du conflit syrien semble donc avant tout nous rappeler notre responsabilité de citoyen.ne.s envers les réfugié.e.s. De cette façon, notre attitude envers la photographie ne serait plus uniquement de l’ordre du plaisir esthétique, mais de celui de la responsabilité citoyenne. Elle affirme que la citoyenneté n’est pas seulement un privilège, mais une responsabilité envers les autres qui sont compris dans ce rapport de pouvoir. De la même manière, elle prône une nouvelle compréhension politique et ontologique de la photographie qui encourage une considération de tou.te.s les participant.e.s de l’opération photographique : les photographes, les photographiés et les spectateurs. Ainsi, dans le contexte de la condition hyperconnectée, le contrat civil de la photographie semble plus pertinent que jamais puisque la population est invitée non seulement à consommer les images en masse, mais également à les partager. La photographie apporte cette dimension d’activité supplémentaire puisque, selon Azoulay, elle est un acte civil qui interpelle tou.te.s les spectateur.rice.s, peu importe leur situation par rapport à ce qui est représenté. Pour l’autrice, tant que la photographie existe, les victimes de violence peuvent exprimer leur deuil au moyen de celle-ci, que ce soit en tant que photographe, photographié.e ou consommateur.rice de photographies, une occasion que la loi ne leur offre pas toujours. Azoulay, la photographie est un acte civil auquel tout le monde peut prendre part. Bien que pertinentes pour comprendre la responsabilité morale que peuvent éveiller de telles images, les approches de Sliwinski et d’Azoulay demeurent problématiques en ce sens qu’elles considèrent uniquement la réaction qui émane d’un public sensiblement extérieur aux conflits représentés et donc privilégié par rapport à la situation en question. Même si la circulation de la photographie d’Aylan a encouragé des mouvements d’aide pour la Syrie, comme en témoignent plusieurs articles comme Visual social media and affectivity : the impact of the image of Alan Kurdi and young people’s response to the refugee crisis in Oslo and Sheffield de Lin Prøitz (2018), peu se sont encore questionnés sur les relations de pouvoir et de privilège qui émanent de telles réactions affectives.

Vers un autre agir politique

Nous ne pouvons donc pas nous arrêter à cette simple lecture dont l’idée principale revient à dire que les réseaux sociaux sont des outils « libérateurs », essentiels pour dénoncer la violence. Comme énoncé en première partie, l’utilisateur.rice de ces réseaux est principalement actif.ve, car la technologie est plus disponible et les plateformes cultivent cette activité. L’activité des utilisateur.rice.s des réseaux sociaux n’est donc pas seulement liée à une agentivité de la résistance. Selon Charlotte Klonk, « nous participons activement aux opérations d’images dans lesquelles la vie et la mort sont en jeu, et, de ce fait, nous répétons la souffrance des autres et continuons d’y participer » (ma traduction, 2016, 135). Plutôt que de constater la création de communautés autour d’une seule et même image/émotion, il faut considérer de quelles façons une seule image peut générer plusieurs discours. Toujours selon Ahmed, il est important de rappeler que c’est l’objet qui a suscité l’émotion qui circule et non pas l’émotion elle-même, et un même objet peut susciter des émotions différentes. À ce titre, Kuntsman (ma traduction, 2012, 17) rappelle qu’« ignorer la violence du numérique, et encourager à la place ses promesses et ses plaisirs, est aussi un privilège et un capital – une forme de droit socialement construit qui est grandement contesté et surveillé, et inégalement distribué alors qu’il se dit universel ». Cela fait d’autant plus référence à la crise radicale de la représentation en régime numérique qu’Antoinette Rouvroy définit comme une crise des régimes de vérité qui irait jusqu’à mettre en doute la possibilité d’un recul critique par rapport à ce qu’on voit (Poirier, dans cet ouvrage) ; et donc implicitement ce qu’on partage.

Des corps collants

Ainsi, ce n’est pas parce que les gens sont actifs sur les réseaux sociaux qu’ils sont automatiquement dans la résistance. Pour Stuart Hall(2007), le discours entourant une image fonctionne réellement lorsqu’il est décodé par le ou la spectateur.rice. C’est au moment du décodage que l’image acquiert une utilité sociale ou un effet politique. Ce processus est rendu possible, entre autres, car les médias reprennent des images iconiques (au sens sémiotique du terme), c’est-à-dire des images qui « ressemblent » à leur référent. Hall soutient que les événements prennent forme au moment de leur médiation, et qu’ils deviennent dignes d’être représentés selon la réalité sociale construite autour des événements passés. L’utilisation de signes iconiques résiste au décodage « conscient » des images et des événements. Contrairement à Hall, Ahmed avance plutôt qu’il y a toujours un processus de réflexion lorsqu’on accorde une émotion à un texte médiatique, en l’occurrence une image. Ce contact entre l’individu et le texte implique selon l’autrice : 1) le sujet du texte, et 2) les histoires dont il est imprégné. Ahmed (ma traduction, 2014, 91) soutient que « ce qui colle “nous montre” où l’objet a voyagé et ce qu’il a amassé à sa surface, des accumulations qui deviennent une partie même de l’objet, et qui remettent en question son intégrité en tant qu’objet ». Susan Sontag (2004) dit d’ailleurs que les images qu’on « reconnaît » en disent beaucoup sur ce que la société choisit de penser et de ressentir. J’avancerais donc que la photographie de la mort d’Aylan Kurdi est également devenue icône, car les utilisateur.rice.s y ont vu quelque chose de pertinent qui répond à une vision déjà existante des crises humanitaires, d’une part, et du monde musulman, d’une autre. En effet, Sontag nous rappelle que les représentations les plus crues et réalistes de la souffrance sont souvent celles qui nous viennent de « loin ». Lorsque le sujet est plus proche de chez nous, on fait preuve de plus de discrétion :

plus l’endroit est éloigné et exotique, plus nous en verrons des images détaillées de morts et de mourants (ma traduction, 2004, 56).

Pour Ahmed, ce qui devient sticky est justement ce genre d’objets saturés d’affect qui deviennent des sites de tensions personnelle et sociale. Les émotions attribuées à un sujet sont toujours reliées à des questions de pouvoir qui en viennent souvent à décider de la valeur d’une personne ou d’une communauté.

Lorsque nous regardons les images en provenance de la Syrie, nous ne pouvons ignorer la tradition orientaliste et la manière dont elle a colonisé les esprits. Les deux éléments clés à prendre en considération ici sont que : 1) l’orientalisme a pénétré l’imagination sociale occidentale à travers l’image, et 2) l’orientalisme a joué un rôle clé dans le développement des technologies de l’image en Occident. Théorisé par Edward Saïd (1994), l’orientalisme est la production de connaissances sur l’Orient – une construction géographique occidentale – par et pour l’Occident. Il s’agit d’un discours qui sert à contrôler l’image de « l’autre » musulman et qui s’adapte aux changements politiques, culturels et technologiques. C’est la création d’une image raciale et sexuée du monde musulman, dans laquelle l’Orient « archaïque » est représenté comme l’opposant moral de l’Occident « moderne ». L’orientalisme sert à représenter l ’« autre » musulman comme exotique et intouché par la modernité occidentale, ou violent et extrêmement religieux par opposition à l’homme blanc « civilisé ». Dans son analyse des peintures orientalistes du XIXe siècle, Linda Nochlin (1989) montre comment l’utilisation de la perspective, qui permettait de représenter l’Orient de la façon la plus réaliste au moyen de calculs précis, a permis de détacher le ou la spectateur.rice de la violence réelle de la colonisation en dépeignant ces scènes de la façon la plus objective possible.

Avant même de nous informer sur quoi que ce soit, la photographie de la mort d’Aylan Kurdi semble déjà être placée à l’intérieur de cette culture visuelle proprement occidentale, rappelant d’autres images iconiques de violence envers des corps « orientaux », par exemple les fameuses photos de la prison d’Abou Ghraib ou encore les vidéos YouTube de soldats américains tirant sur des civils irakiens. Ainsi, l’image d’Aylan est imprégnée de cette histoire qui est aussi celle de la violence postcoloniale qui marque le corps de celui qu’elle rejette. Cette iconographie devient efficace, car elle suscite des sentiments de compassion et de solidarité chez le ou la spectateur.rice/utilisateur.rice :

La proximité imaginaire à la souffrance des autres qui est permise par les images suggère un lien entre celles et ceux qui souffrent au loin […] et le privilège du spectateur.rice qui est simplement faux, et qui est encore une fois une mystification de notre réelle relation au pouvoir (ma traduction, Sontag 2004, 80).

En renforçant la place privilégiée du sujet occidental dans le monde à travers l’image, le spectacle de la crise des réfugié.e.s syrien.ne.s profite plutôt au sujet occidental, à un moment où son identité serait remise en question, selon Rubinstein et Sluis. Par l’affect qu’elle suscite, cette iconographie permet d’ériger, que ce soit consciemment ou non, les pays occidentaux impliqués dans le conflit syrien en tant que défenseurs des droits et libertés, de détourner l’attention des crimes commis par les pays occidentaux dans ces pays, et ultimement de définir les limites d’une société occidentale morale.

Selon un projet réalisé par Oxfam sur les migrants disparus en mer, le nombre de réfugié.e.s mort.e.s lors des traversées migratoires a augmenté de 22 % depuis la diffusion de la photographie d’Aylan Kurdi. Lorsqu’on parle d’affect, on ne peut donc ignorer les conséquences que les images de violence peuvent avoir sur les populations concernées. Bien que plusieurs aient vu dans la photographie d’Aylan une façon de dénoncer une situation d’injustice, elle peut être pour d’autres synonyme de trauma, et une telle iconographie peut avoir des conséquences directes sur les réfugié.e.s dont la vie n’est toujours pas considérée pleinement. Il est donc évident que par plusieurs moyens, le fait de partager une image sur les réseaux sociaux n’est pas nécessairement synonyme d’action. Les images sont principalement partagées, car elles suscitent des émotions chez le ou la spectateur.rice et ces émotions relèvent souvent de pouvoirs socioculturels qui participent à la reproduction d’inégalités sociales au moyen du visuel. Ainsi, une image comme celle d’Aylan, puisqu’elle répond à une certaine culture visuelle occidentale, a plus de chances de circuler massivement. Finalement, comme le fait Gina Cortopassi dans son chapitre, il demeure nécessaire de s’interroger sur les possibilités de résistance en condition hyperconnectée, plus précisément à la lumière des théories de l’affect abordées. En effet, on ne peut ignorer que le mélange du soi et de l’autre rendu possible par l’hyperconnexion, bien qu’il puisse exacerber la peur de se coller à « l’autre », est aussi ce qui permet de s’allier collectivement au-delà des frontières.

Néanmoins, si on s’en tient à la question de l’image, on ne peut qu’en conclure, comme le fait W.J.T. Mitchell dans What Do Pictures Want ? (2005), que les images débordent d’affects et de désirs beaucoup plus qu’elles n’affirment de positions. Ainsi, bien qu’on tente en vain de donner du pouvoir aux images, celles-ci ne peuvent-elles vraiment agir sur la société tant qu’elles ne sont pas accompagnées de réels changements aux niveaux socioculturel, économique et politique. Mais surtout, comment pouvons-nous espérer un bon respect du contrat civil de la photographie si nous vivons encore dans un monde où, pendant que des images circulent librement, des êtres humains se heurtent encore à des frontières idéologiques et physiques ?

Contenus additionnels

Photographie d’Aylan Kurdi par Nilüfer Demir reproduite par Time Magazine

Il est du choix du ou de la lecteur.rice de consulter ces images en cliquant ou non sur l’hyperlien suggéré.

Crédits : Nilüfer Demir, Time Magazine : 100 photographs, the most influential images of all time

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Proposé par auteur le 2020-09-22

Moving Images : Mediating Migration as Crisis, ouvrage dirigé par Krista Lynes, Tyler Morgenstern et Ian Alan Paul (2020)

Publié à l’été 2020, l’ouvrage Moving Images : Mediating Migration as Crisis est un indispensable afin de poursuivre la réflexion sur l’incidence des images sur la création et la résolution imaginée de la crise migratoire. Il est disponible en ligne, en accès libre.

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Proposé par auteur le 2020-09-22

Références

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Fanny Gravel-Patry

Fanny Gravel-Patry est candidate au doctorat et chargée de cours en communication à l’Université Concordia. Se positionnant comme chercheuse féministe et anti-raciste, ses recherches portent sur la culture visuelle numérique, l’affect et les pratiques du care. Plus précisément, son projet doctoral vise à explorer le potentiel affectif des communautés de soutien pour la santé mentale qui se forment sur Instagram. Ses recherches sont dirigées par Krista Lynes et soutenues par le FRQSC. Son dernier article : « Meaning, Feeling, Doing: Affective Image Operations and Feminist Literatures of Care on Instagram ».