Avant la création du Web, les illustrations amateurs de la musique restaient dans la sphère privée. Les diaporamas maison ou les projets d’étude audiovisuels ne bénéficiaient d’aucun mode de diffusion en particulier. Les illustrations connues de la musique émanaient alors exclusivement des diffuseurs professionnels. Notamment, les maisons de disques ont associé l’univers musical de leurs artistes à des images choisies ou créées sur commande pour représenter un disque [1]. Cet art de la pochette a favorisé le développement de codes propres à l’association d’une musique à une image. Par exemple, dans les années 1950-1960, Blue Note Records a contribué à associer au jazz des pochettes dotées d’une conception minimaliste des écritures et d’une couleur unique, souvent bleutée, privilégiant des photos en gros plan de l’artiste et de son instrument [2]. Aussi, les réalisateurs, au cinéma ou à la télévision, ont intégré la musique à leur travail des images [3]. Si la musique de film ou de séries semble parfois simplement accompagner des images, il ne faut pas sous-estimer son rôle. Ainsi, une musique connue trouve une illustration inédite quand elle tient un rôle au cinéma, ce qui contribue aussi à sa (re)découverte [4]. Par exemple, les œuvres de Mozart, Beethoven, Schubert ou Wagner ont trouvé des illustrations mémorables dans Amadeus [5] (1984) de Forman, Clockwork Orange [6] (1971) de Kubrick, Trop belle pour toi (1989) de Blier ou Excalibur [7] (1981) de Boorman. Antérieures aux films qui les ont mises en scène, déjà chargées d’une histoire propre, ces musiques ont trouvé à l’écran des illustrations susceptibles de relancer leurs lectures possibles [8]. Quand une musique comme la Neuvième Symphonie de Beethoven trouve une illustration particulière dans le film de Kubrick, cette version de l’œuvre en côtoie d’autres, ce qui forme une communauté d’objets qui partagent des points communs. Ces liens entre les œuvres créent des réseaux de signification auparavant contrôlés par une industrie ou une intelligentsia. Désormais, les pratiques amateurs sonores participent à l’enrichissement de réseaux qui témoignent d’une esthétique en mosaïque. Celle-ci mise sur la juxtaposition inédite d’œuvres ou de leurs composantes les plus représentatives, laquelle est susceptible de renouveler les lectures possibles des extraits partagés entre le nouveau contexte et celui d’origine.
L’exemple des combats entre le son et les images de films attire aussi l’attention sur cette appartenance partagée d’un même extrait représentatif d’une œuvre avec deux contextes différents. Chacun des deux films devient une banque de données d’images et de sons connus, dont des extraits seront prélevés et réorganisés pour créer une capsule originale. L’ensemble de ces capsules forme ensuite un corpus distinct des films utilisés tout en préservant un lien privilégié avec chacun d’eux. S’il est question d’appairage (peering* [9]) pour désigner les échanges de trafic internet avec les pairs, nous parlerons de mosaïque virtuelle pour désigner les regroupements de capsules web consacrées à un même genre ou à un même thème. Ainsi, les illustrations amateurs du sonore, très variées, s’inscrivent dans une esthétique en lien avec la mosaïque puisque l’amateur nourrit sa créativité d’objets achevés : des corpus se forment au fil des courants populaires et relient ces illustrations de la musique à une chanson connue, à des images célèbres, à un autre courant, etc.
Outre les exemples de mosaïques composées en partie de fragments cinématographiques qui illustrent le sonore, ceux engendrés par l’essor du vidéoclip dans les années 1980 témoignent aussi d’une illustration du sonore ou de la musique. Beaucoup plus court qu’un film et entièrement consacré à une musique ou à une chanson, le vidéoclip est par définition l’illustration d’une musique ou des paroles d’une chanson. Un des vidéoclips les plus marquants ayant été réalisés reste à ce jour Thriller [10] de Michael Jackson [11]. Conçu comme un court-métrage, chorégraphié comme une scène de comédie musicale, il devient ainsi le point de départ d’une mosaïque susceptible de s’étendre à mesure que des variantes de l’œuvre ou de ses composantes sont produites. Selon Lévy [12], le potentiel de croissance à partir des variantes d’une œuvre s’actualise au fil des reprises auxquelles la navigation mène. Dans cette partie, nous verrons combien les reprises réalisées par les amateurs « agrandissent » la mosaïque amorcée par des réalisations professionnelles et comment l’ajout d’illustrations amateurs de la musique valorise ces pratiques tout en explorant la variation.
Personnaliser/personnifier la musique
Des logiciels simples d’utilisation permettent aujourd’hui aux amateurs de produire des effets fascinants qui contribuent à régénérer les modes d’illustration du sonore. Multitrack Recorder* [13], par exemple, facilite l’illustration concrète de la partition musicale en représentant chaque voix ou instrument : l’écran est divisé en autant de cases qu’il y a de parties, et cela permet à l’auditeur de suivre le déroulement d’une chanson. Ainsi, la performance « Uptown Girl (Robert Ernst Acapella Cover) » (2011) de Robert Ernst constitue un exemple type d’illustration d’une chanson exécutée a capella.
Robert Ernst, 5 mai 2011, 3 min 11 s
Au sein d’un écran divisé en quatre, Ernst est filmé en train d’interpréter chacune des quatre voix de la chanson Uptown Girl (1973) de Billy Joel [14]. Sans effets de mise en scène, l’image captée par une webcam le montre à l’ordinateur. Sa capsule contient deux secondes d’humour quand il pousse une fausse note et que ses alter ego haussent les épaules sans arrêter de chanter. Les quatre Ernst aux voix distinctes contribuent dès lors à personnaliser la chanson de Joel, à en livrer une interprétation idoine, ni commerciale, ni professionnelle. Cette version intime d’une chanson, ce collectif-individuel, n’est possible que grâce à une technologie accessible qui contribue à amplifier la personnalisation en permettant à un individu de se dédoubler dans une illustration vulgarisatrice de la musique.
Dans le même ordre d’idées, la capsule « lollipop a capella, videos online de humor » (2009, 2 min 11 s) sur la chaîne Antraxx (3 vidéos, 80 abonnés [15]) produit des effets semblables au clip d’Ernst et témoigne d’une créativité représentative de ces capsules.
Antraxx, 22 août 2009, 2 min 11 s
Une femme y chante a capella la chanson Lollipop [16] (1958) interprétée à l’origine par le quatuor féminin des années 1950 The Chordettes. La chanteuse affiche une tenue et une coiffure légèrement distinctes pour chaque ligne mélodique ou rythmique. À la différence d’Ernst qui chante joyeusement faux, Antraxx livre une performance vocale solide. Des commentaires déposés sur ce lien remettent en cause l’authenticité de la source : ils allèguent qu’il s’agit d’une synchronisation labiale réalisée à partir d’une performance piratée, soupçons représentatifs des échanges au sujet des capsules réalisées ainsi. Une autre version de Lollipop a capella sur la chaîne Jorinaldo laisse aussi planer le doute sur l’authenticité de la performance.
Jorinaldo, 30 juillet 2010
Cependant, que celle-ci soit fondée sur une exécution vocale ou une synchronisation labiale, la version obtenue grâce à Multitrack Recorder produit invariablement une illustration de la musique qui la personnalise et la personnifie. D’abord, la performance de l’amateur donne un nouveau visage à la chanson, une apparence renouvelée comme dans le cas de Lollipop dont il existe maintenant des versions chantées par un homme. Ensuite, le cadrage de chaque voix personnifie la musique au sens où il illustre les particularités de la partition : des versions comme celle de Hayden Allred associent de manière synesthésique chaque voix à une couleur (jaune, bleu, rouge et vert) en arrière-plan.
Hayden Allred, 29 décembre 2013
Le projet de François Macré constitue un autre exemple de capsules réalisées à l’aide d’un logiciel de mixage multipiste qui illustre la complexité du travail des amateurs tout en confirmant que ce type de représentation de la musique a le potentiel didactique de guider l’écoute de la partition. Macré retient l’attention, car il divise son interprétation a capella de Thriller en 64 cases.
François Macré, 21 octobre 2008
Il affirme avoir travaillé 350 heures pour produire cette capsule à l’aide d’un équipement réduit (portable, webcam, micro). Ayant presque atteint le million de vues à ce jour, le projet de Macré guide l’écoute concrètement puisque les cases le montrent seulement quand une voix se fait entendre ; autrement dit, son visage disparaît d’une case lorsqu’il y a un silence dans la partie à laquelle elle correspond. Cet homme-orchestre passionné de musique personnalise grandement la musique de Jackson en signant une version où il chante chaque instrument, section rythmique comprise. Macré personnifie littéralement le sonore et le musical, créant une version très différente du vidéoclip de Jackson dans lequel la danse et les costumes importaient.
Qu’il s’agisse de Lollipop ou de Thriller, les capsules amateurs réalisées grâce à un logiciel de mixage multipiste s’ajoutent à la variété des versions déposées en ligne et contribuent ainsi à l’établissement d’une esthétique en mosaïque [17]. Esthétique de la reprise et de la réinterprétation, cette dernière permet aux praticiens sonores amateurs de s’approprier des œuvres majeures ou marquantes de la culture populaire tout en se mesurant à elles. La particularité de ces capsules devenues sur le Web des composantes d’une mosaïque plus large découle aussi du découpage visuel de la performance a capella, de sa fragmentation, comme si le traitement multipiste créait une mise en abyme de la mosaïque. Ainsi, la mosaïque multipiste d’une chanson connue est liée à diverses mosaïques qui partagent par exemple un même thème. La capsule de Macré se voit entre autres associée à des versions multipistes de Thriller, à d’autres succès de Michael Jackson ou à d’autres capsules a capella, amateurs et professionnelles confondues — les productions amateurs apportant une diversité moins formatée par les paramètres d’une édition financée par l’industrie. Les pratiques amateurs sont en effet plus participatives que performatives en comparaison à celles des professionnels. Cette prise en compte de deux façons complémentaires d’illustrer le sonore ou la musique, soit la personnalisation et la personnification, nous conduit à considérer des objets de nature toute différente : les capsules funéraires.
Fondées sur la personnalisation/personnification d’une chanson populaire même si cette dernière n’est aucunement modifiée, les capsules funéraires de bébés mort-nés ou d’enfants « partis trop tôt » abondent en ligne et se distinguent de celles rendant hommage à des personnalités disparues. Fruits d’une pratique amateur motivée par le devoir de mémoire, ces versions modernes du diaporama personnel des années 1970 sont synchronisées avec une musique juxtaposée aux images. Par exemple, sur la chaîne MultiParisienne créée en 2010 pour une seule publication, un diaporama de photos commémore la vie d’Océane. On y montre une Océane épanouie et souriante ressemblant à une enfant de n’importe quelle famille occidentale : bébé emmitouflé, scènes de vacances, etc. Ce montage de photos très personnel résume la vie d’une enfant décédée à 11 ans, ce qui rend d’ailleurs troublante sa ressemblance avec de nombreux albums de famille puisqu’il fait prendre conscience à l’internaute que nul n’est à l’abri d’un tel drame. De plus, le choix de la chanson I will always love you (1973) de Dolly Parton, dans la version intense de Whitney Houston, personnalise encore davantage l’hommage. Alors que la chanson de Parton faisait référence à une histoire d’amour et qu’elle est également associée au film The Bodyguard [18] (1992), qui raconte la romance entre une chanteuse et son garde du corps, elle résonne bien différemment ici. En effet, l’histoire véhiculée par la chanson ne concerne pas vraiment celle d’Océane décédée à 11 ans. Le titre et refrain I will always love you s’impose alors pour véhiculer un message d’amour exprimé en sa mémoire. Dans ce cas, la personnalisation de la chanson se révèle d’autant plus puissante que le contexte est tragique. Même si la version de Houston est livrée dans son intégralité, sans modification, elle est investie d’une résonance très personnelle par la réalisatrice du diaporama. Grâce à l’illustration inédite de la chanson, Océane se voit transfigurée : l’enfant personnifie l’intensité des émotions contenues dans l’interprétation même de Houston. À partir de là, le souvenir d’Océane n’est plus uniquement celui d’une enfant décédée, mais celui d’un air ou de paroles susceptibles d’insuffler une force, un espoir. Dans les capsules funéraires, le choix de la chanson semble donc intimement lié à une illustration personnalisée du deuil en plus de témoigner du désir d’associer la disparue à un air ou à des paroles partagées par une communauté.
Une autre capsule funéraire publiée sur la chaîne Dondenne Laridenne procède sensiblement de la même manière pour commémorer Nathan, décédé subitement à quelques semaines. Réalisé par la mère, le diaporama présente en alternance de nombreuses photos et un récit de sa courte existence. Là encore, les photos du nouveau-né ressemblent à celles de tout album de famille : Nathan est dans les bras de ses grands-parents, de son frère ; il arrive à la maison, prend son premier bain, etc. Le texte apparaît en bleu foncé sur fond pâle dans des diapositives qui dévoilent périodiquement une photo en faisant éclater le texte en morceaux. À force de répétition, le procédé représente l’éclatement d’une vie, le drame maternel. La chanson With arms wide open [19] (1999) de Creed, groupe rock américain, soutient l’hommage funèbre jusqu’aux deux tiers de la capsule. En effet, la fin de la chanson de quatre minutes ne marque pas celle de la capsule puisque le silence et la phrase « Tu étais si beau et plein de vie » mènent au récit du décès de Nathan à six semaines et six jours. L’écriture de la mère communique alors des paroles d’espoir livrées au nom du bébé, assouvissant le désir que la vie se prolonge après la mort. Cet imagier funéraire s’inscrit également dans une illustration de la musique qui personnalise une chanson tout en effectuant une personnification. Ses paroles constituant un récit assez vague, la chanson est personnalisée par les images du bébé et l’écriture maternelle. Comme le titre de la capsule annonce que l’enfant est décédé, les nombreuses images du paisible poupon chargent de sens le texte et la musique. Les photos de Nathan personnalisent cette chanson populaire, elles témoignent de l’apport de cette dernière à l’univers créatif d’une mère endeuillée. Le visage de Nathan caractérise l’objet non défini dans les paroles d’un narrateur qui dit avoir compris que sa vie allait changer en entendant les nouvelles. Dès lors, Nathan incarne l’espoir évoqué dans les paroles, mais aussi l’intensité des émotions transmises par l’interprétation de cette ballade rock. Nathan incarne littéralement la chanson du groupe Creed dans ce diaporama, et sa mère personnifie en somme le geste fécond du témoignage en se posant comme réalisatrice amateur.
Cette illustration singulière d’une musique populaire montre combien la personnalisation et la personnification s’inscrivent dans une esthétique en mosaïque. L’album souvenir de Nathan s’ajoute à d’autres clips qui illustrent la chanson With arms wide open, mais aussi aux autres capsules funéraires d’enfants déposées en ligne, communauté formée majoritairement de réalisations effectuées par des mères. Dans ces capsules, la singularité de chaque histoire ressort, et ce, même si la chanson est davantage liée au thème de la mort que celle de Creed. Par exemple, la chanson Vole (1995) que Céline Dion interprète pour une de ses nièces décédée de mucoviscidose se trouve intimement liée à l’histoire de Luna, morte au huitième mois de grossesse. Cette vidéo produit les effets déjà décrits dans les exemples précédents : elle témoigne de l’écho de cette chanson pour la maman-réalisatrice (personnalisation d’une chanson) et la petite Luna, photographiée mort-née, incarne au bout du compte les paroles et la musique de Vole (personnification de l’œuvre). Partagée en au moins deux mosaïques distinctes, l’une amateur (image) et l’autre professionnelle (musique), cette capsule témoigne en somme de l’attachement des amateurs à une œuvre musicale indissociable de leur vie, surtout dans l’épreuve. Pour ces amateurs, la musique soutient la mémoire de leur enfant au point de leur inspirer un geste créatif, davantage d’ailleurs que le cimetière ou le crématorium, lieux réputés silencieux ou sans musique significative. En somme, les capsules funéraires révèlent combien la personnalisation et la personnification, deux processus liés à la reconnaissance de soi (rendre personnel) et à la reconnaissance de l’autre (incarner l’autre), sont parfois intimement liées à la musique.
Valoriser le lien
Les exemples précédents le montrent, les pratiques sonores amateurs tendent à valoriser la multiplication des liens, dont ceux avec les pratiques professionnelles qui leur servent de cadres de référence. Ainsi, l’illustration amateur du sonore, une musique la plupart du temps, préserve souvent l’intégralité de la pièce choisie tout en la mettant en valeur par l’établissement de nouveaux liens. Si les pratiques amateurs valorisent le lien avec des chansons dont le texte soutiendra un des aspects développés dans un type de capsules, elles misent parfois sur la musique instrumentale, comme la musique classique et celle de jeux vidéo.
Une des pratiques prolifiques de l’illustration de la musique en ligne revient aux illustrateurs de partitions classiques aux visées pédagogiques affirmées : l’animation visuelle des partitions des grands classiques crée un lien entre l’œuvre qui est connue et la partition, méconnue, voire illisible pour nombre de mélomanes. D’ailleurs, une liste de 200 partitions animées est diffusée sur un site d’éducation musicale monté par des enseignants français [20]. La chaîne la plus active à ce chapitre, Smalin (pseudonyme de Stephen Malinowski), illustre et anime des dizaines d’œuvres du répertoire classique, dont le second mouvement de la Neuvième Symphonie de Beethoven.
Smalin, 17 janvier 2011
Cette animation défile comme le rouleau d’une boîte à musique et contient quinze couleurs associées aux sonorités produites par les instruments de l’orchestre (les cordes en rouge ou mauve ; les cuivres en brun ou vert ; les bois en bleu ; les percussions en gris). Défilant de gauche à droite, l’illustration marque la durée et le timbre de chaque note et dessine les interactions entre les sections de l’orchestre : les arborescences de la partition de la Neuvième ressemblent à un électrocardiogramme. L’animation guide le mélomane-spectateur visuellement comme l’amateur de karaoké. Cette forme de notation repousse les frontières de la vulgarisation musicologique tentée dans des ouvrages explicatifs sur la musique, comme celle privilégiée par Michel Lecompte [21]. Pour faire ressortir la structure du second mouvement de la Neuvième, ce dernier colore la partie de chaque instrument et sépare en blocs les expositions du scherzo [22]. Visuellement, l’illustration de la musique effectuée par Smalin, à l’aide de sa « Music Animation Machine », se décode donc beaucoup plus facilement qu’une partition pour les apprentis mélomanes en créant un nouveau lien entre l’écoute de l’œuvre et la compréhension de son fonctionnement.
L’animation de partitions conçue par Smalin souligne les liens entre les sphères intime et sociale d’une passion musicale. En effet, les passionnés qui illustrent ainsi la musique présentent leur perception de l’œuvre en même temps que la partition. Par exemple, les fonds noirs privilégiés par Smalin font ressortir la variété de couleurs et de formes des notes. Ces animations ressemblent à des peintures abstraites évolutives, à un parcours lumineux rythmé d’interactions entre des formes variées. Elles témoignent d’une interprétation personnelle de Smalin devenu artiste-peintre-virtuel-amateur grâce à ses compétences en informatique et en musique. Nous constatons d’ailleurs combien il a perfectionné son art avec le temps puisque la capsule « Beethoven – Moonlight Sonata (animated score, 1st mvt.) piano solo » (2009) est moins épurée : l’écran est divisé en trois bandes horizontales et présente simultanément la transcription en bandes colorées de la musique qui défile, les mains au clavier ainsi que la partition originale.
Smalin, 20 mars 2009, 7 min 33 s
La composition tripartite de cette capsule se distingue pour la valeur de lien indissociable de l’esthétique en mosaïque à laquelle elle appartient : elle peut être associée aux mosaïques de cours de piano en ligne, d’interprétations beethoveniennes, de partitions photographiées, etc. Dès lors, le pas de l’intime vers la sphère sociale est franchi puisque le Web a le potentiel de réunir des communautés. C’est ainsi que la « double tension de conservation et de renouvellement [23] » de l’œuvre musicale classique, assumée par Smalin, resserre le lien entre l’apparition visuelle de la musique, l’exécution de la partition, la compréhension de cette dernière et la comparaison possible avec d’autres versions en ligne. Quelques clics suffisent pour vérifier sur le Web le rayonnement de l’œuvre de Beethoven à laquelle d’autres illustrateurs de partitions s’intéressent.
La chaîne andy illebrown contient quelques illustrations musicales qui montrent un imaginaire différent de celui de Smalin. « Beethoven – Moonlight Sonata » (2012), produite grâce au logiciel Blender [24], crée une profondeur de champ en plaçant le point de fuite, d’où proviennent les notes, au centre d’un écran noir dans lequel nous distinguons un cadran très pâle.
Andy Fillebrown, 19 septembre 2012, 6 min 12 s
Comme le cadran d’une horloge divisé en minutes, celui conçu pour la sonate est régulièrement ponctué de traits correspondant à chacune des notes du clavier d’un piano. Les notes, représentées par des traits, surgissent du point central. La « tête » de chaque trait, dont la longueur correspond à la durée de la note, s’illumine lorsqu’il atteint le cercle, soit au moment où la note est attaquée, c’est-à-dire où la touche du clavier est enfoncée. Loin du rouleau à musique auquel fait penser le travail de Smalin, cette représentation évoque une expérience de navigation spatiale interstellaire. La poésie visuelle qui s’en dégage témoigne aussi d’une interprétation intime proche de la personnalisation dont nous avons traité précédemment ; elle ne va pas non plus sans une certaine personnification de l’œuvre de Beethoven puisque l’illustrateur développe sa propre signature en devenant l’auteur d’un tableau animé musical. Ainsi, la dimension intime de cette capsule, son expression visuelle inspirée d’une musique, se voit juxtaposée puis comparée à celle de Smalin dans une communauté d’objets, sphère sociale possible qui réunit en ligne diverses versions d’objets semblables, mais différents. Guidé par le désir d’entendre du Beethoven, l’internaute trouvera autant des vidéos amateurs qu’une compilation de 30 versions historiques de cette fameuse Sonate pour piano « Clair de lune » en do dièse mineur, op. 27 n° 2 de Beethoven sur le site Parlons piano [25]. Voilà donc comment la valorisation du lien contribue à multiplier les illustrations du sonore dont l’actualisation se voit sans cesse renouvelée.
Par ailleurs, il existe sur le Web des capsules qui illustrent la musique sans que cela soit un objectif clair, surtout dans le cadre d’une esthétique en mosaïque où les liens possibles entre les objets sont exponentiels. Ainsi, dès qu’une musique est associée à un visuel, ce dernier l’illustre en quelque sorte, et cette liaison agrandit une mosaïque déjà embryonnaire ou étendue. Autrement dit, si la réalisation d’une capsule ne mise pas forcément sur un nouveau fond sonore, le simple renouvellement d’une illustration déjà connue valorise le lien avec d’autres versions visuelles du même sonore qui deviennent à leur tour le point d’ancrage de comparaisons. Comme les amateurs tendent à retravailler seulement un aspect ou deux d’un objet déjà connu dans leurs exercices de style déposés en ligne, nous constatons combien les redites sont déterminantes dans la création des mosaïques, une grande partie de leur cohérence reposant sur les recoupements.
Les nombreuses musiques de jeux vidéo qui sonorisent le travail visuel d’amateurs occupés à créer leurs propres univers à partir d’un jeu en constituent un exemple concret. Ces musiques et les effets sonores qui les ponctuent sont copiés tels quels. Seules les illustrations changent. Les clips que produisent les amateurs du jeu Minecraft [26], créé à partir de 2009, implanté en 2011, semblent à ce titre très représentatifs. Parmi la grande variété de capsules réalisées à partir de l’esthétique visuelle de ce jeu de construction libre de type « bac à sable », les bandes-annonces amateurs connaissent un certain engouement et côtoient celles du jeu, conçues comme celles des films et relayées sur le Web par des internautes. Alors qu’elle explique le contexte et le fonctionnement global du jeu, la vidéo promotionnelle officielle de Minecraft s’articule selon trois axes : elle montre le potentiel de construction d’images et de progression des personnages dans cet univers virtuel ; elle présente quelques lignes de texte pour expliquer le contexte du jeu à d’éventuels joueurs ; et elle soutient, voire amplifie, les effets visuels par une bande sonore dont l’esthétique est calquée sur celle des bandes-annonces de films d’action hollywoodiens. En bref, Minecraft promet un univers virtuel inédit où l’action ne manquera pas puisque le joueur-constructeur de décors sera également traqué : les minutes d’exploration visuelle des univers fictifs sont accompagnées d’un long silence inquiétant, des bruits de pas, une musique synthétisée rythmant l’exploration des lieux et s’intensifiant à mesure que le texte promet de l’action.
Plusieurs reprises amateurs copient intégralement cette bande-son pour présenter leur création visuelle, leur scénario original, valorisant ainsi le lien avec Minecraft. Ainsi, les chaînes ItsDylan et Inktivate publient des versions amateurs de la bande-annonce de Minecraft où seuls les décors ont été remplacés par ceux créés par des fans ; les textes et la bande-son originaux sont conservés. Les concepteurs de ces décors en blocs virtuels mettent en valeur le fruit de leur travail (châteaux gigantesques, paysages élaborés qui surpassent ceux des bandes annonces officielles du jeu). Cette illustration du sonore et de la musique « d’action », notamment parce qu’elle communique une interprétation visuelle personnelle du jeu, s’inscrit dans une esthétique en mosaïque notamment nourrie par de nombreuses bandes annonces non officielles qui témoignent du potentiel créatif de la plateforme. Indissociable de la marque Minecraft, la musique de la bande-annonce, prévisible dans son développement, sert pourtant de cadre à la créativité des amateurs, d’une manière étonnamment semblable à celle de la musique classique. Favorisant l’enrichissement de la mosaïque virtuelle, ces « fausses » bandes-annonces de Minecraft témoignent de la valorisation de la marque, y compris celle de la musique d’action qui en assure la promotion.
D’autres pratiques amateurs fondées sur la création d’un univers visuel personnel à l’aide de Minecraft misent sur une certaine exploration musicale en valorisant un lien avec d’autres mosaïques. Par exemple, la chaîne ManuKannNix diffuse une animation Minecraft sur une chanson de Kat Nestel, Nothing stopping me now [27] (2015), mixée par le duo de DJ Vicetone.
ManuKannMix, 29 novembre 2015
Puisque le visuel ni élaboré ni créatif de la capsule dure plus longtemps que la chanson, la dernière minute est soutenue par un mixage sonore non identifié, signature probable de Vicetone. Cette production amateur, comme l’indique son titre « Minecraft Trailer (Amateur) », mène l’internaute à d’autres mosaïques qui illustrent la musique en dehors de l’univers du jeu vidéo. Entre autres, la chanson est associée à des mangas ou au karaoké. D’une mosaïque à l’autre, les multiples options de navigation laissent entrevoir une abondance d’illustrations amateurs de la musique.
En matière d’abondance de ramifications entre des mosaïques diverses souvent liées par l’illustration de la musique, le cas de Lego fascine parce que ces blocs de construction, commercialisés en 1932, ont une réalité physique tangible. C’est d’ailleurs ce jouet en plastique que les amateurs utilisent pour illustrer la musique, contrairement à l’industrie télévisuelle qui produit désormais des séries télévisées mettant en vedette des personnages numériques comme ceux de Lego Chima [28]. En fait, les amateurs de Lego profitent du Web pour diffuser à large échelle leur travail de construction passionné. Les sites consacrés aux constructions en Lego abondent, et l’on y trouve de tout : maquettes de mégapoles, bateaux, reproductions de peintures surréalistes, etc [29]. D’innombrables courts-métrages amateurs existent aussi, dont l’adaptation Lego des vidéoclips musicaux les plus célèbres. Nous retiendrons ici quelques-unes des reprises de Thriller, exercice de style incontournable en ligne.
Les versions de Thriller en Lego témoignent d’une réelle passion pour ce jeu ou pour la réalisation d’un court-métrage en image par image, mais elles n’en demeurent pas moins des illustrations de la musique de Jackson. Que la musique ou les paroles soient reprises avec ou sans modification, celles de Thriller trouvent une illustration inédite grâce au célèbre jouet. Ainsi, jesusfreak1623 a pris 3 500 clichés pour réaliser « Michael Jackson’s “Thriller” Tribute in LEGO » (2011, 5 millions de vues), reproduction du vidéoclip original.
FreaknSpud/jesusfreak1623, 28 avril 2011, 10 min 7 s
Le lendemain de la publication de son clip, l’auteur publie « Side by side comparison of “Michael Jackson’s ‘Thriller’ Tribute in LEGO” », une capsule qui montre combien la reproduction est fidèle à l’original et réussit à faire danser les personnages Lego jusqu’à reléguer au second plan leur raideur.
FreaknSpud/jesusfreak1623, 29 avril 2011
Cette danse Lego suggère que la musique de Jackson revêt un caractère si universel que même des figurines à la forte carrure sont portées par elle. Cette avenue interprétative mène d’ailleurs directement à d’autres mosaïques de variations liées à Thriller, dont deux versions Minecraft [30].
Ces illustrations de la chanson de Jackson attirent autant l’attention sur le jeu les illustrant, Lego ou Minecraft, que sur la musique et les chorégraphies qui ont marqué l’histoire du vidéoclip : ce que toute illustration n’accomplit pas d’emblée. Par exemple, Annette Jung a réalisé « Lego Thriller » (2013), une capsule d’un peu plus d’une minute illustrant le dialogue au début du vidéoclip, au moment de la transformation du personnage en loup-garou.
Trickpiraten, 1er septembre 2013, 1 min 14 s
Cette illustration du dialogue original met en valeur l’univers Lego puisque la représentation de la scène renouvelle le genre : elle n’est pas réalisée avec des figurines qui se déplacent dans un univers Lego, mais avec des blocs de couleurs variées assemblés sur un tableau pour chaque image, comme s’il s’agissait d’une longue suite de peintures à numéros. Le nombre certainement élevé de tableaux nécessaires pour réussir l’animation n’est pas précisé, mais le choix de la technique de la mosaïque surprend puisque, traditionnellement, les Lego ne sont pas travaillés sur une surface plane. Cela dit, cette mosaïque animée s’inscrit dans une pratique sonore amateur parce qu’elle emprunte une chanson déjà connue pour présenter un travail visuel indissociable du sonore. Ainsi, le minimum d’intervention sur le plan sonore n’exclut pas un effet sur ce dernier puisque le renouvellement des images associées au son en relance la lecture. Les amateurs retirent un avantage à associer leur travail à un titre connu pour maximiser le nombre de vues et cette pratique influence l’interprétation d’une œuvre. Voilà justement un des principaux effets de la variation sur un thème, un mode de création privilégié des pratiques sonores amateurs.
Explorer la variation
Nous avons vu jusqu’à maintenant combien les pratiques sonores amateurs privilégient la reprise, notamment par l’imitation, la parodie ou l’illustration de la musique. Ces exercices de style offrent un cadre de pratique permettant aux amateurs de se concentrer sur un ou deux aspects de la création plutôt que de s’attaquer, comme des artistes accomplis, à réinventer leur art. Cela amène des pratiques sonores parfois axées sur autre chose qu’un travail du son ou de la musique, comme le montrent les exemples de « piratage » de bandes sonores ou de musique des exemples précédents. Il arrive cependant que les musiciens amateurs, nombreux à publier leur travail en ligne, présentent leurs compositions originales comme une variation sur un thème, mais pas au sens musical [31]. Ces compositeurs s’inscrivent précisément dans une esthétique en mosaïque quand ils associent leur musique à des images souvent célèbres.
La composition de nouvelles musiques pour des films connus devient en ligne, pour des compositeurs amateurs, une avenue d’exploration de la variation, plus précisément d’exploration des possibles d’une palette d’expression musicale pour une séquence donnée. Il ne s’agit pas nécessairement de réinventer le thème musical associé au film, mais de créer des atmosphères différentes pour appuyer autrement les émotions des personnages. Olaf Skoreng propose à cet effet un nouvel accompagnement musical pour la scène de la mort du bébé dans Trainspotting [32] et précise, dans sa présentation, son souci de ne pas surcharger musicalement la scène narrée par le personnage principal.
Olaf Skoreng, 4 novembre 2013
« I made this score for a school project. Too much music would ruin the scene in my opinion, the seemed to fit quite well. Made with Pro Tools 11. »
La contribution musicale de cet amateur consiste surtout à rythmer la course folle du personnage dans la ville durant sa narration de la suite des événements. La capsule de Skoreng s’inscrit ainsi dans une démarche ouverte aux échanges sur la nature de cette scène de Trainspotting. Il importe de noter qu’un film qui contient une scène musicale remarquée entraînera une multiplication de capsules consacrées à la scène ou de captures d’interprétations de l’œuvre associées au titre du film. Ainsi, entre autres parce que le film Master and Commander [33] (2003) met en scène la musique interprétée par le capitaine, nous retrouvons en ligne un grand nombre d’interprétations amateurs de l’une ou l’autre des œuvres concernées [34]. Si ces prestations ne font pas partie de notre corpus, nous remarquons qu’elles contribuent à multiplier les liens avec une musique de film et que cela permet à des compositeurs amateurs de joindre un mouvement en proposant une scène réinterprétée musicalement. Notamment, la chaîne MusicAndMovingImages présente une musique d’action originale pour les premières minutes de Master and Commander.
MusicAndMovingImages, 23 septembre 2008
Si le film est parfois associé à des interprétations amateurs de la musique de Mozart ou de Boccherini, jouées dans le film par les personnages, il devient ici l’objet d’une exploration de la variation de la musique composée afin de soutenir l’action, de rythmer le suspense. Pour l’essentiel, la proposition de MusicAndMovingImages atténue la dimension stéréotypée de la trame originale (tambours de guerre, sonorités contemporaines synthétisées, etc.) pour harmoniser le projet avec l’époque décrite : nous entendons toujours le roulement de tambour, mais l’arrangement mise plutôt sur les cordes, instruments présents dans le récit, soutenues par les vents. Il s’agit en somme pour celui derrière MusicAndMovingImage, professeur d’économie de profession et musicien-compositeur amateur, de proposer une nouvelle vision/perception de la scène, d’illustrer la musique.
Si le phénomène demeure marginal, il offre suffisamment d’exemples pour confirmer que cette pratique vise une exploration de l’expression des émotions plutôt qu’une opération de mise en marché intense de l’action telle que la pratique l’industrie cinématographique. Dans les exemples liés à Trainspotting et à Master and Commander, les propositions cherchaient à nuancer la musique parfois envahissante, à redéfinir l’équilibre avec les images. Souvent proposées par des amateurs sans prétention, ces compositions explorent d’autres versions possibles selon des paramètres renouvelés et témoignent d’une ouverture représentative de l’esthétique en mosaïque.
Elle aussi construite à partir des productions cinématographiques, l’animation d’affiches de cinéma devient sur le Web un genre prisé des infographistes amateurs et cinéphiles, qui illustrent le sonore et le musical en explorant l’art de la variation par la transformation d’affiches devenues matériau de base. Cette démarche valorise une esthétique en mosaïque tout en nourrissant des mosaïques déjà présentes. La chaîne Jaja Poupou explore la variation en détail : elle héberge une série d’épisodes de Poster Fever, réalisés par Guillaume Gaudart et Barney Cohen [35]. D’une durée de une à quatre minutes, ces capsules composites explorent la variation en créant une bande sonore originale qui confronte les films célèbres à de nouveaux contextes. Le premier chapitre de la série, intitulé « Batman wears Lipstick », annonce un récit fondé sur les films Batman (version non précisée) et Lipstick [36].
Jaja Poupou, 27 octobre 2015, 4 min 14 s
C’est pourtant l’affiche en noir et blanc du film The Night of the Hunter [37] qui apparaît d’abord puisqu’une conversation entre un homme et une enfant sert de cadre aux épisodes.
Ensuite, les affiches animées se succèdent, apparaissant quelques secondes alors que la narration sert de fil conducteur. Ainsi, l’affiche du film The Truman Show (1999) marque le point de départ d’un conte amorcé par « Once upon a time… ».
Les affiches sont associées à une bande sonore qui se révèle le fil d’Ariane du savant découpage : les affiches à peine modifiées de Bambi [38] (1942), Ex Drummer [39] (2007), The Goonies [40] (1985) ou Brazil [41] (1985) s’animent progressivement, en phase avec l’action créée. Ces animations préservent l’essentiel des affiches et se limitent à faire bouger lèvres, les regards ou les poses des personnages. Par exemple, l’affiche coréenne de Dirty Dancing [42] (1987) montre le couple de danseurs enlacés, sauf que la main du personnage masculin passe de la taille au sein droit de sa partenaire. L’intrigue du conte s’établit alors que s’anime l’affiche du film Les enfants du paradis (1945) pendant que la bande-son compose un dialogue original mettant en vedette Batman, incarné par le mime Deburau. Ainsi, ce mime travesti sur le plan sonore entame un dialogue avec les deux autres personnages de l’affiche qui, eux, prennent à témoin les personnages d’affiches d’autres films, comme s’il existait une communauté d’affiches cinématographiques accrochées quelque part, en relation entre elles. Quand il reconnaît Batman, Lemaître s’exclame dans un anglais à l’accent français « Hé les mecs ! Regardez comment Batman s’habille sous son costume » (sous-titres français de la capsule).
Alors, les personnages des affiches de All about Eve (1950) et de Casablanca (1942) rient, puis ceux de la famille Adams demandent au Batman-Deburau pourquoi il porte du rouge à lèvres, seul lien avec le titre. Des dizaines d’affiches s’animent ensuite dans un délire de rires, de musique sud-américaine et de fusillades inter-affiches. Ce véritable feu d’artifice d’affiches animées explore les versions possibles des imaginaires convoqués, manifestation d’une esthétique en mosaïque elle-même mise en abyme dans ce type de collage visuel. Cette illustration du sonore nourrit le scénario somme toute très simple alors que la parodicité ressort de ces assemblages inattendus, de ce nouveau regard sur des affiches phares du cinéma auxquelles un hommage cultiste est rendu sans équivoque.